dimanche 21 août 2011

Économie: Le Marché De L'Humanitaire - Affaire Nutriset




- Vidéo: Emission "Intelligence Economique" Sur France 24: 20/08/2011

- Article: "Nutriset offre le secret de sa pâte nutritionnelle aux pays du Sud" (France 24 - 13/10/2010)

La petite société française Nutriset a décidé de distribuer gratuitement le brevet de l'un de ses produits luttant contre la malnutrition aiguë à des pays sous-développés. Un geste inédit et révolutionnaire.

C’est l’histoire d’une petite entreprise agroalimentaire de Normandie, dans l'ouest de la France, qui depuis une dizaine d’années est synonyme de solution miracle dans les pays sous-développés. Grâce à un brevet de pâte nutritionnelle, Nutriset a pu développer une gamme de produits largement utilisés dans les cas de malnutrition infantile aiguë.

Un brevet qui agace aussi. À tel point que deux associations américaines ont décidé, en décembre 2009, de déposer plainte pour faire tomber la licence dans le domaine public. En réponse, Nutriset a décidé, ce mercredi, de rendre son secret de fabrication accessible à n’importe quelle structure (ONG, entreprise, etc.) dont le siège social se trouve dans un des 22 pays du Sud que la petite société a elle-même sélectionnés. " Il s’agit d’un accord d’usage, très facile à obtenir directement sur notre site Internet", confirme Isabelle Lescane, directrice générale de Nutriset.

Une décision inédite, et peut-être révolutionnaire, pour le petit monde des humanitaires qui luttent contre la faim dans le monde. Car la gamme de produits, appelée Plumpy’Nut, devrait se trouver rapidement confronter à une armée de clones. Une concurrence voulue par Nutriset elle-même. "Nous avons voulu donner directement aux pays concernés le moyen de développer des solutions efficaces pour lutter contre la malnutrition aiguë infantile", explique Isabelle Lescane.

Absence de concurrence

Le geste consenti par l’entreprise ne s'est toutefois pas fait sans la pression constante des ONG. Petit retour historique : peu après le génocide rwandais en 1994, Nutriset met au point, avec un chercheur de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), sa formule du Plumpy’Nut, qui s’avère une avancée importante. "Le lait thérapeutique utilisée jusqu’alors pour soigner les cas de malnutrition aiguë avait un gros inconvénient : il fallait l’administrer en centre, raconte Isabelle Lescane. Malheureusement, il faut donner à manger à l’enfant toutes les deux heures, ce qui n’était pas possible lors du génocide au Rwanda." Or la pâte nutritionnelle offre la possibilité d'être servie à domicile.

Gros soucis pour les humanitaires : le produit Plumpy’Nut est protégé par un brevet. Une situation difficilement acceptable pour eux car elle met Nutriset en position de force et peut ralentir l’émergence de produits similaires. Une quasi absence de concurrence (il n'existe aujourd'hui qu'une poignée d'entreprises sur ce secteur) qui pourrait empêcher une baisse du prix de ces produits. "Il va falloir me croire sur parole, mais à l’époque nous ne voulions pas faire main basse sur le marché mais simplement formaliser notre innovation avec IRD", raconte Isabelle Lescane. En 10 ans, le prix de Plumpy’Nut ont baissé de 28 %. Aujourd'hui, le kilo de la pâte se négocie 2,70 euros.

Des plaignants non sans arrière-pensées

Les ONG, elles, ne croient pas les Normands sur parole et exhortent l’entreprise à lever le brevet. Jusqu’à la plainte des deux associations américaines en 2009. "Nous comprenons les arguments des ONG en général, mais cette plainte avait des visées commerciales", explique Isabelle Lescane. Derrière l’un des plaignants se trouve une société texane qui cherche ouvertement à développer des produits de renutrition pour les vendre dans les pays en voie de développement.

Si Nutriset a décidé d’ouvrir son livre de recettes au pays du Sud, c’est aussi, affirme le groupe, une manière de faire la nique aux firmes des pays du Nord, qui ne peuvent toujours pas copier le produit. "Ce n’est pas parce qu’on est une entreprise privée qu’on ne peut pas utiliser l’argent qu’on gagne pour promouvoir une certaine vision des choses", assure Isabelle Lescane, consciente toutefois des risques qu'une telle démarche implique. Pour l’heure, les résultats sont au beau fixe. Le chiffre d’affaires de Nutriset est passé de 52 millions d’euros en 2009 à environ 89 millions d’euros cette année.


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